Dernière mise à jour : le 13 janvier 2014

Note technique du programme (version pdf)

Résumé

    Depuis 2004, le programme « Relativité d’échelle en géographie » s’est décliné dans différents champs de la géographie, jusqu’à présent cinq, donnant lieu à cinq grands projets de recherche. Il s’agit d’un programme ouvert, toujours près à accueillir de nouveaux projets autour des méthodes d’analyse scalo-spatio-temporelle de la relativité d’échelle. Jusqu’à présent, les articles publiés présentent d’abord et avant tout ces méthodes. Dans l’avenir, plusieurs articles plus spécifiques à telle ou telle discipline seront écrits et soumis, ce qui pourra susciter de nombreuses collaborations.


Note technique du programme

    Un vieil adage français, popularisé par Kurt Lewin, prétend que « rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie » . Dit autrement, la compréhension d’un phénomène passe nécessairement par sa transformation en fait scientifique avéré par un processus d’objectivation. Néanmoins, cela ne suffit pas. Un fait sans théorie explicative de fond n’est ni compréhensible, ni opérationnel : le fait, dans ce cas, n’est qu’idiographique.

    Les domaines en géographie ayant des faits sans théorie demeurent nombreux. La relativité d’échelle va s’intéresser à un fait géographique transversal et transcendant : les phénomènes organisés en échelles. Depuis plus d’un siècle, plusieurs penseurs, et pas uniquement des géographes, avaient remarqué que beaucoup de phénomènes d’origine naturelle ou anthropique s’organisaient en échelles, c’est-à-dire qu’il existait entre l’objet géographique et ses échelles un lien fonctionnel, parfaitement descriptible sous la forme d’un discours idiographique.

    La théorie de la relativité d’échelle souhaite aller au-delà de cette démarche idiographique en proposant une théorie explicative de ce phénomène. Cette démarche théorique reste parfaitement qualitative, mais cette qualification des faits peut être quantifiée et quantifiable. à partir de là, une mathématisation du lien fonctionnel entre l’objet géographique et ses échelles devient envisageable via l’outil « fractal ». Elle ne suffit pas pour définir une théorie. Pour y parvenir, il faut poser des principes qui canaliseront l’infinité de solutions mathématiques. Entre alors en scène la relativité d’échelle. Pensée en astrophysique, cette théorie s’articule autour d’un volet très généraliste correspondant à n’importe quel phénomène organisé en échelles, et les phénomènes géographiques peuvent aisément s’inscrire dans celui-ci, et d’un volet disciplinaire propre à la physique. Le second volet étant une affaire de physiciens, je leur laisse leur débat scientifique. Désormais, seul le premier volet sera présenté.

    Ce volet généraliste de la relativité d’échelle est un approfondissement de l’outil mathématique « fractal ». Que l’on soit bien d’accord, est fractal tout phénomène s’organisant en échelles. Par conséquent, il existe différentes formes de fractalité possibles. Pendant plusieurs années, les débats sur les fractals n’ont été que des jeux de mathématiciens. La logique mathématique n’étant ouverte qu’à quelques initiés, ces jeux n’ont fait qu’alimenter une série de confusions malheureuses dans l’esprit des non mathématiciens de formation. J’y inclus aussi bien ceux qui ont l’habitude d’utiliser des mathématiques très sophistiquées que ceux qui ont l’habitude d’utiliser des mathématiques beaucoup modestes, mais suffisantes afin de résoudre leurs problèmes. Il est important de rappeler que, pour construire une théorie dans n’importe quelle discipline, on commence toujours par les outils mathématiques les plus simples possibles. Parfois, ce ne sont que de simples approximations, nécessaires pour comprendre le phénomène étudié. D’autres fois, ce sont les outils parfaitement adaptés au phénomène étudié. La relativité d’échelle respecte parfaitement cette construction : elle part du cas le plus simple, et conduit progressivement à des cas plus complexes.

    Le moteur de la relativité d’échelle repose sur trois grands principes théoriques : la relativité, la covariance et l’équivalence. Un géographe pourrait s’interroger sur l’utilité de ces principes, et surtout sur la raison de leur application directe en géographie, car leur nom n’évoque pas forcément grand-chose à notre communauté scientifique. L’existence de principes est rendue nécessaire par le fait que les mathématiques étudient la totalité des possibilités, c’est-à-dire une infinité de solutions, or toute analyse d’un phénomène est limitée audit phénomène. L’étude d’un phénomène précis offre toujours une solution mathématique très restrictive : il faut choisir la plus adaptée au cas d’espèce. Aussi, pour aider à effectuer ce choix, il faut poser préalablement un certain nombre de principes qui devront être mathématiquement respectés.

    La relativité d’échelle n’en propose que trois, issus d’une observation des phénomènes qui se déploient en échelles. à la base, il s’agit de principes physiques, mais Laurent Nottale a proposé de les généraliser pour les phénomènes en échelles (1989 ; 1993). Dit autrement, une nouvelle fois, même si les noms peuvent paraître exotiques pour un géographe, ces principes dépasse le cadre de la physique et peuvent être utilisés tels quels dans les problèmes géographiques.

    D’abord, le principe de relativité repose sur l’observation que tout phénomène a besoin nécessairement d’une référence aussi bien spatiale que temporelle. Pour mesurer une distance entre deux points, il faut bien une référence de mesure (le mètre, le pouce, le pied, la coudée, etc.), et surtout repérer les deux points servant à faire la mesure. Dans cet exemple, la mesure est bien relative : si l’on ne précise ni ce que l’on mesure formellement, ni l’unité de mesure, la démarche est incompréhensible. Mathématiquement, la relativité s’exprime en termes de système de coordonnées de référence : « les lois de la Nature doivent être valides quel que soit le système de référence choisi ». La relativité d’échelle y ajoute " et quel que soit le système d’échelle de référence choisi ». Ensuite, le principe de covariance d’échelle propose que les lois doivent respecter un formalisme mathématique. Toute loi doit être exprimée de la manière la plus simple possible. Enfin, le principe d’équivalence d’échelle définit les conditions particulières de relativité d’un objet géographique donné. Il fixe les paramètres propres à l’objet géographique se déployant en échelles. J’espère qu’exprimer de la sorte, mon lecteur comprendra qu’il n’est d’aucune utilité de « géographiser » ces principes. Tout géographe a déjà mis en œuvre sans aucune difficulté le principe de relativité, et surtout le principe de relativité d’échelle. En revanche, les deux autres principes relevant de la mathématisation des phénomènes en échelles l’ont rarement été. Néanmoins, ils demeurent fondamentaux,car ils exprimentles modalités d’application de la relativité d’échelle sur un cas d’espèce.

    Une précision s’impose, car la confusion est trop prégnante dans certains esprits. Il ne suffit pas d’effectuer des mesures fractales pour rentrer dans le champ de la relativité d’échelle. De nombreux travaux antérieurs à la relativité d’échelle en géographie ne prennent pas du tout en compte la relativité même de la mesure qu’ils proposent. Dit autrement, ces travaux définissent une mesure fractale absolue que l’on rencontrerait indépendamment d’autres paramètres. Cette posture que l’on peut qualifier de newtonienne, est parfaitement acceptable, mais elle ne permet pas la comparaison entre les travaux de mesures fractales absolues et les travaux menés en relativité d’échelle. Ce sont deux approches radicalement opposées et parfaitement incompatibles en l’état actuel des choses. Dans le premier cas, on effectue une mesure fractale d’un objet géographique. Dans le second cas, on intègre une mesure fractale d’un objet géographique dans le cadre de la théorie explicative de la relativité d’échelle. L’approche absolutiste ne peut être comparée, pour ce motif, à celle de la relativité d’échelle. La comparaison de résultat ne pourra être possible uniquement dans le cadre d’une mesure fractale supportée par une théorie. Là, un autre problème se pose : la maîtrise totale de deux théories, parfois radicalement différentes. Dans ce cadre, il est plus facile de citer les références bibliographiques d’un objet similaire traité par la théorie concurrente que d’en faire une comparaison détaillée dans un article écrit dans un autre cadre. L’écriture de cette comparaison ne peut être objectivement effectuée que par un tiers. C’est une idée que je défends vigoureusement au sein de mes publications et de mes communications.

    Ceci précisé, la théorie de la relativité d’échelle se construit à partir de l’outil mathématique appelé « équations différentielles ». Il s’agit d’un outil suffisamment sophistiqué pour poser des difficultés de compréhension à de nombreux géographes. Néanmoins, une nouvelle fois, il faut relativiser, il existe des outils mathématiques infiniment plus complexes. L’outil de construction n’est par conséquent ni trop simple, ni trop compliqué. Cette construction de l’outil « équations différentielles d’échelle » démontre que la variable de base de tout phénomène en échelles est, non pas la résolution spatiale ou temporelle de l’objet géographique étudié, mais son logarithme (népérien), subtilité présentée à maintes reprises. On obtient alors ce que l’on appelle un « opérateur différentiel de dilatation » que l’on va coupler avec des variables plus connues en géographie : la distance, la population, la densité, etc. L’opérateur et la variable doivent alors définir une fonction que l’on obtiendra par un développement limité de Taylor. Une nouvelle fois, cela a explicité à maintes reprises. On obtient alors des équations différentielles d’une complexité croissante, identifiant formellement les phénomènes de dépendance d’échelle dont le plus connu des fractalistes, l’invariance d’échelle. à l’exception de celle-ci, ces phénomènes de dépendance d’échelle font systématiquement apparaître, pour les objets géographiques, des lois d’échelle tantôt indépendantes d’échelle (objet non fractal), tantôt dépendantes d’échelle (objet fractal). Cela montre une nouvelle fois la difficulté que l’approche rencontre lorsqu’il s’agit de comparer un objet à fractalité variable avec des travaux considérant la fractalité comme étant absolue. Néanmoins, dans ces phénomènes dépendant d’échelle, une série de constantes apparaît. La plus célèbre demeure la dimension fractale qui reste constante dans ce cadre, au moins par morceaux.

    Une nouvelle fois, en partant d’un constat empirique, il existe de nombreux cas où la dimension fractale est variable. D’un point de vue relativiste d’échelle, il s’agit des cas de dynamique d’échelle, appelés ainsi car la dimension fractale dépend explicitement d’une autre variable. Le cas le plus rencontré reste une dépendance par rapport à la résolution (Avignon, répartition des châteaux). Dit autrement, chaque échelle géographique sera définie par une dimension fractale différente, une dimension fractale qui lui sera propre. Cependant, d’autres dépendances sont possibles. Elles se définissent par rapport à l’altitude (étude des courbes de niveau des Gardons, étude des courbes de niveau de la Corse) ou par rapport à la population (étude sur la population mondiale).

    Les équations de base de la relativité d’échelle permettent alors de développer de nouveaux pends théoriques spécifiques, sans être idiographiques, au type d’objet géographique étudié. Des bases théoriques spécifiquement géographiques apparaissent alors. Elles se connectent progressivement avec d’autres principes observés en géographie au cours de développement de l’analyse spatiale. Cela permettra à terme de proposer une théorie cohérente de l’analyse spatiale en géographie.

     La relativité d’échelle en géographie est une posture scientifique. Elle n’a ni à se défendre par rapport à l’existant, ni à le juger. Elle ne demande qu’à pouvoir se développer pour convaincre la communauté géographique de son intérêt théorique, pratique et opérationnel, ce que doit être toute bonne théorie.


Explication détaillée du programme


Projet 1. Géographie physique

Projet 2. Géohistoire

Projet 3. Géographie du peuplement

Projet 4. Géographie urbaine

Projet 5. Stratégies et tactiques