Dernière mise à jour : le 9 janvier 2024

Le 24 août 1572, la nuit de la Saint-Barthélemy !

Date de publication : 24/08/2021

Perçue comme le paroxysme des guerres de religion en France, la Saint-Barthélemy reste un événement méconnu. Ce massacre si célèbre est l’illustration de la folie humaine, un événement bénin qui déclenche une crise majeure, du moins, elle est souvent narrée comme telle. En réalité, il est complexe de savoir ce qui s’est réellement passé. Les acteurs sont nombreux, agissent, la plupart du temps, pour leurs propres intérêts, et non pour une quelconque foi. Pour fêter ce triste anniversaire, je vous propose de revoir un peu le déroulement de la journée.

Avant de poursuivre, il faut préciser que l’expression « guerres de religion » est très maladroite pour décrire clairement la période entre 1559 et 1598. Il faut rappeler que le schisme entre les catholiques et les protestants avait peu ébranlé la France jusqu’à l’affaire des placards (1534). François Ier (1494-1547), roi de France de 1515 à 1547, lui-même comptait bien tirer profit de la situation, car le Saint-Empire romain germanique était affaibli par l’émergence des protestants. Henri II (1519-1559), roi de France de 1547 à 1559, poursuivit l’œuvre centralisatrice de son père, et que ce soit l’un ou l’autre, l’autorité royale était de plus en plus forte, ce qui déplaisait à la noblesse, dont le pouvoir ne cessait de décliner.

Avec le protestantisme, les nobles, opposés au roi, avaient trouvé une issue pour poursuivre leur refus de la centralisation royale. Ils se déclaraient protestants, mais ils protestaient surtout contre les réformes menées depuis Louis XI (1423-1483). Ils n’avaient pas une foi inébranlable, et, selon le moment politique, tout protestant pouvait redevenir catholique ! De fait, il est important de comprendre que la foi protestante en France ne toucha principalement que les nobles. Elle ne toucha ni les paysans, ni les bourgeois. Dit autrement, le protestantisme n’a jamais eu d’ancrage fort en France, sauf dans les futures provinces arrachées aux Provinces-Unies dans le nord, et les provinces du sud-est de la France. Ainsi, être protestant au XVIe siècle en France signifiait tout aussi bien être contre l’Église catholique en place que contre le roi (du moins, ses réformes). De fait, les guerres de religion sont une guerre civile entre ceux qui voulaient la centralisation et ceux qui n’en voulaient pas.

La faiblesse du pouvoir royal des derniers Valois, les trois fils de Henri II (François II, Charles IX et Henri III) avait permis cette tension permanente. Entre 1559 et 1598, il existait tout un tas de micro-conflits entre les Français, dont le paroxysme fut la Saint-Barthélemy. François II (1544-1560), roi de France de 1559 à 1560, était chétif et malade. La femme de Henri II, Catherine de Médicis (1559-1589), exerçait la réalité du pouvoir pendant sa minorité avec les Guise. À sa mort, elle poursuivit cette tâche pendant la minorité de Charles IX (1550-1574), roi de France de 1560 à 1574. Son dernier fils, Henri III (1551-1589), régna de 1574 à 1589, date à laquelle il fut assassiné par le moine Jacques Clément (1567-1589), et qui marqua le retour du régicide comme solution politique, mais ceci est une autre histoire.

Le contexte étant posé, vous avez tout de suite compris que la Saint-Barthélemy se passa sous le règne de Charles IX. Que dire de ce roi ? La chose la plus importante est qu’il devait probablement être dépressif, et peut-être paranoïaque. Nous n’avons que la description de symptômes dans les textes, il est difficile d’en conclure un diagnostique médical... Néanmoins, tout comme François II, il n’était pas fait pour régner. Les textes sont ambigus, mais il semble que le roi devînt fou après le carnage du 24 août 1572, laissant une nouvelle fois la réalité du pouvoir à Catherine de Médicis, qui ne mourraient qu’en 1589.

L’histoire devait être heureuse. Catherine de Médicis voulait marier le roi de Navarre à sa fille Marguerite de Valois (la fameuse reine Margot) (1553-1615). Ce mariage était prévu depuis la paix de Saint-Germain en août 1570, qui avait également accordé aux protestants plusieurs places fortes (La Rochelle, Cognac, Montauban et La Charité), ainsi qu’une liberté de culte restreinte. Le roi de Navarre, Henri III (1553-1610), était l’un des membres du parti protestant les plus influents en France. Il s’agissait par conséquent de réunir les deux partis. Le mariage était fixé en été 1572. Pour ce, le roi de Navarre se rendit à Paris avec ses troupes. Pendant le voyage, elles semèrent un profond désordre et critiquèrent violemment la messe catholique. Néanmoins, le mariage eut lieu le 18 août 1572. Il est important de noter que le pape accepta d’annuler ce mariage en 1599. En effet, Marguerite n’était pas la mère de Louis XIII (1601-1643).

L’amiral Gaspard de Coligny (1519-1572), protestant depuis 1558, exerçait alors une grande influence sur Charles IX depuis sa nomination au Conseil du roi en 1571. Il voulut mener une campagne aux Pays-Bas dans le but d’y renforcer la présence protestante, ce qui revenait à déclarer une guerre ouverte contre le roi d’Espagne, Philippe II (1527-1598). Bien entendu, Catherine de Médicis et les catholiques étaient contre cette idée, et, le 22 août 1572, elle tenta de le faire assassiner. Gaspard de Coligny fut seulement blessé. Furieux d’apprendre que son favori avait subi un tel acte, Charles IX voulut le venger. Il ouvrit une enquête.

Dans le contexte de l’attentat raté et avec la présence de l’armée de Henri de Navarre, pendant la nuit du 23 au 24 août 1572, Catherine de Médicis prit peur. Elle crut que l’armée protestante allait renverser Charles IX. Mal conseillée, elle convainquit le roi d’exécuter les principaux chefs protestants présents à Paris pour le mariage de sa sœur. Il ordonna au duc de Guise et à ses troupes (catholiques) de mener à bien cette tâche. Parmi les premières victimes, il y eut bien évidemment Gaspard de Coligny, dont le cadavre fut jeté par la fenêtre de son hôtel particulier et fut pendu au gibet de Montfaucon. Par la suite, le Parlement de Paris (rien à voir avec le Parlement actuel) déclara qu’il était coupable de haute trahison. Sa mémoire fut rétablie en juin 1599 par Henri IV.

Pour l’heure, il y eut entre 2 000 et 3 000 cadavres dans les rues, dont la plupart furent jetés dans la Seine. Le roi de Navarre échappa au massacre en reniant sa foi protestante. Charles IX, complètement hystérique, le menaça avec une arquebuse en lui disant « la messe ou la mort ! ». Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’eut pas vraiment le choix. Le futur Henri IV resta enfermé un an et demi au Louvre. Néanmoins, le roi sauva d’autres familiers de cette manière, comme le prince Henri de Condé (1552-1588). Il ne prit conscience de l’ampleur du massacre que le lendemain. Il reconnut dès le 26 août 1572 sa responsabilité par rapport aux atrocités commises pendant la nuit de la Saint-Barthélemy. Le 25 août 1572, il y eut le miracle du cimetière des Saints-Innocents : un aubépine, qui n’avait pas fleuri depuis plusieurs années, le fit devant une image de la Vierge. Ce fait fut interprété par le clergé français comme la fin de l’hérésie protestante en France ! Les massacres se propagèrent en provinces en faisant près de 10 000 victimes.

Malheureusement, la Saint-Barthélemy cristallisa les partis qui, désormais, appelèrent de l’aide à l’extérieur du royaume : le parti catholique autour du duc de Guise se tourna vers l’Espagne (Philippe II aurait ri pour la première fois de sa vie en apprenant le massacre parisien), le parti protestant autour du roi de Navarre, vers l’Angleterre, les Hollandais et les princes allemands. Ainsi, pendant 27 ans, de 1572 à 1589, le royaume de France était clairement menacé de dépeçage par des puissances extérieures qui faisaient tout pour déstabiliser l’une des plus grandes puissances militaires de l’Europe occidentale.

Le Languedoc, le Dauphiné et la Guyenne tentèrent de faire sécession. Ainsi, furent créées les Provinces-Unies du Midi par le prince de Henri de Condé. Par ailleurs, les thèses monarchomaques commencèrent à se développer. Il s’agit d’une théorie qui affirmait que l’on pouvait tuer un mauvais roi. Si le monarque était un tyran, il était parfaitement légitime de le tuer ; Henri III et Henri IV en firent les frais. Bien entendu, de leur côté, les Catholiques organisèrent une contre-offensive autour de Henri de Guise.

La mort de Charles IX en 1574, qui ne laissa qu’une fille, engendra l’une des plus grandes crises politiques du royaume de France. Henri III avait préalablement été élu roi de Pologne. Il dut abdiquer et revenir en urgence en France. L’une de ces premières mesures fut d’éloigner du pouvoir sa mère, Catherine de Médicis, ce qui calma les esprits. Toutefois, vraisemblablement homosexuel, Henri III n’eut aucun héritier, et voulut assez rapidement transmettre la Couronne de France au roi de Navarre, Henri. Cela provoqua un nombre important de complots fomentés par le duc Henri de Guise, le Balafré (1550-1588). Lassé par cette situation, Henri III dut le faire assassiner le 23 décembre 1588 à Blois. Quelques mois plus tard, Henri III fut lui-même assassiné, et le titre de roi de France échut à Henri de Navarre. L’ancien protestant, qui abjura officiellement en 1593, remit de l’ordre en France et lança la dynastie des Bourbon, mais ceci est une autre histoire.

Maxime Forriez.

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