Dernière mise à jour : le 9 janvier 2024

La diplomatique

Date de publication : 23/11/2021

Parmi mes posts concernant les sciences connexes de l’histoire, j’ai oublié la principale, la diplomatique. Oubli comblé !

La diplomatique n’est pas la diplomatie. Il s’agit de l’étude de la manière de rédiger un acte juridique. Pour ce, les rédacteurs, souvent inconnus, utilisaient des formulaires, c’est-à-dire des manuels contenant toutes les formules juridiques en usage. Il s’agit de textes très particuliers puisque la forme l’emporte sur le fond du texte. Tout comme les textes juridiques actuels, la lecture et l’analyse de documents diplomatiques sont particulièrement difficiles, d’autant que ce sont toujours les mêmes règles, qui datent au plus loin que l’on puisse remonter, depuis le Moyen Âge, mais il n’est pas impossible que des formulaires plus anciens aient existé. Toutefois, ce qui permit la diffusion des formulaires est bien évidemment l’invention du parchemin et des livres. De fait, leur explosion date du Moyen Âge ; c’est même l’une de ses caractéristiques.

L’analyse diplomatique est d’abord une analyse de la structure du texte. Certaines parties sont obligatoires, d’autres facultatives. La structure est toujours la même : tout document diplomatique se subdivise en trois grandes parties : le protocole ; le corps du texte ; l’eschatocole.

Le protocole

Le protocole est la partie introductive d’un texte diplomatique. Il débute par une invocation. Par exemple, on place le texte sous la protection de la Trinité, de Dieu, d’un signe, etc. Progressivement, avec la laïcisation du droit, ce préambule tend à disparaître. Il est souvent alors remplacé par une suscription (ou intitulation) dans laquelle l’auteur (au sens d’émetteur) de l’acte se présente. Par exemple, « moi comte machin, duc de bidule, etc. » Le texte se poursuit alors par une adresse, c’est-à-dire qui doit se soumettre ou peut profiter du texte juridique écrit. Le protocole s’achève par un salut. Pour simplifier, c’est l’équivalent de nos formules de politesse dans un courrier.

Le corps du texte

Le corps du texte est évidemment la partie la plus importante. Son début peut contenir trois éléments facultatifs : le préambule, la notification et l’exposé. Le préambule précise les motifs du texte juridique. Il peut être renforcé par une notification explicite. L’exposé est plus spécifique aux jugements rendus. Sans grande surprise, il expose les faits nécessitant un jugement.

La partie la plus connue, encore de nos jours, est le dispositif. C’est le cœur de l’acte. Il s’écrit sous la forme d’articles exposant les clauses du texte. Il existe bien entendu plusieurs types de clauses, les plus connues étant les clauses pénales.

L’eschatocole

Le texte se termine par la corroboration. Elle fournit la date du texte. Dans les textes anciens, il faut faire très attention, car elle ne correspond pas souvent au calendrier grégorien, ni même au calendrier julien. Au Moyen Âge, par exemple, on comptait l’année à partir de Pâques, qui est officiellement la date du début du calendrier liturgique chrétien. Pour l’anecdote, c’est dans ce fait que se trouve possiblement l’origine des « poissons d’avril ». Au XVIe siècle, Charles IX, roi de France, décida de changer le premier jour de l’année civile en le déplaçant du 1er avril au 1er janvier. Les étrennes, vieille tradition antique, que l’on reçoit en début d’année, n’existaient plus le 1er avril. On fait semblant de les donner. Avec le temps, le 1er avril est devenu le jour des blagues pas toujours très drôles d’ailleurs... Néanmoins, selon les périodes, le début d’année peut être Noël ou l’Annonciation. Le texte peut ajouter deux éléments facultatifs : l’appréciation (« amen » par exemple) et les mentions dites hors-teneurs correspondant aux témoins, aux signatures, aux portraits, aux monogrammes, ou aux sceaux (cf. post sur la sigillographie).

Quel est l’intérêt d’une étude diplomatique ? Au XXIe siècle, cela ne présente pas un grand intérêt ; nous avons légifrance... Dans les temps plus anciens, cela permettait de juger l’authenticité d’un acte, qu’il soit public, c’est-à-dire émanant d’une personne publique, ou privée, c’est-à-dire émanant d’une personne privée. En effet, les faussaires (comprenez ceux produisant les faux en écriture) étaient nombreux. Petit à petit, ce sont les sceaux qui devinrent garant de l’authenticité des actes (cf. post sur les sceaux).

D’un point de vue historique, la structure, la formulation d’un texte permet souvent, par comparaison, de le dater. Si le document est daté, elle permet de juger de la cohérence entre la date et le contenu, car on peut toujours antidater un document. Si le document est daté et authentique, il permet lui-même dater certains événements des sources littéraires relatant des événements non datés. En effet, en règle générale, les grands aristocrates se révoltaient souvent après la prise d’un acte qui leur était défavorable ; de même, pour le petit peuple.

La diplomatique existe toujours aujourd’hui. C’est une science vivante permettant d’écrire de manière efficace les textes législatifs, exécutifs et juridiques. Lisez un arrêt du Conseil d’État ou de la Cour de cassation, et vous comprendrez pourquoi.

Maxime Forriez.

Commentaires :

Veuillez compléter tous les éléments du message !

Aucun commentaire n'a été formulé !