Dernière mise à jour : le 9 janvier 2024

Qu’est-ce que la France ?

Date de publication : 04/12/2021

Avec tout ce que l’on entend dans le débat politique sur l’histoire de France, il est temps de revenir sur la définition historique de ce territoire.

La France est née d’un hasard. En fait, elle n’aurait jamais dû exister. Pourtant, elle existe.

Le mot en lui-même vient d’un des duchés de Neustrie, la Francie, le cœur du domaine royal en 987. Toutefois, il vient également du nom du territoire occidental issu de la partition du traité de Verdun en 843.

Les petits-fils de Charlemagne se partagèrent son empire en le coupant en trois : la Francia occidentalis, la Francia media et la Francia orientalis. Le cœur de l’empire était Aix-la-Chapelle. La ville étant en Francia media, tout ce territoire devint un enjeu entre la Francia occidentalis et la Francia orientalis.

Le moment de la partition était le moment où les Normands ravageaient les côtes de la Francia occidentalis, ce qui faisait que la Francia orientalis était relativement épargnée. Les cinq duchés de celle-ci formèrent assez rapidement un nouvel ensemble territorial, ethniquement cohérent, la Germanie. Elle formait une structure plutôt forte en comparaison avec la Francia occidentalis. Entre 843 et 1032, la Germanie conquit patiemment la Francia media, qui était décomposable en trois grands territoires : la Lotharingie (Pays-Bas, Wallonie, Luxembourg et Lorraine actuels), le royaume de Bourgogne et de Provence (incluant la Suisse actuelle) et le royaume d’Italie (du nord). Le Saint-Empire romain germanique était de fait, même légèrement amputé, un immense territoire.

La Germanie aurait pu probablement conquérir la Francia occidentalis, mais la situation interne était tellement pourrie que les empereurs eurent l’intelligence de ne pas se mêler au-delà du nécessaire de ce qui se passait au-delà de l’Escaut, de la Meuse, de la Saône et du Rhône. De plus, il fallait laisser un terrain de jeu aux Normands, au cas où ils revinssent. Entre 987 et 1180, les rois qui se succédèrent de Hugues Capet à Louis VII, eurent chacun le titre de roi des Francs (de Francia occidentalis). Disons-le autrement ! Avant 1180, la France n’existait pas, à la différence de la Germanie et de l’Italie (du nord). La Francia occidentalis était une sorte de rectangle allant de la mer du Nord et de la Manche aux Pyrénées, Bretagne exclue, car elle avait reprise son indépendance dès le traité de Verdun. C’était un territoire de principautés : comté de Flandre, comté de Champagne, duché de Normandie, duché d’Aquitaine, comté de Toulouse, et bien sûr le domaine royal au centre de tous ces territoires. Si par hasard vous vous posez la question de savoir pourquoi la décentralisation est une grosse ânerie, lisez ce qui se passait en Francia occidentalis autour de l’an 1000, car la féodalité n’est qu’un autre terme pour parler d’hyper-décentralité.

À partir du XIIe siècle, il y eut des rois soucieux de recentraliser leur pouvoir, surtout depuis que Guillaume le Bâtard avait conquis l’Angleterre : ce fut le principal danger, car, par le jeu des héritages, le duché de Normandie, déjà gigantesque, avait été agrandi du duché de Bretagne, et du comté du Maine. Sincèrement, ce fut un miracle que le territoire royal de Francia occidentalis survécût aux Anglais, surtout, après le divorce entre Louis VII et Aliénor d’Aquitaine en 1152.

En quoi un simple divorce pouvait-il être si tragique ? Aliénor d’Aquitaine était la fille unique du dernier duc d’Aquitaine. Je vous invite à trouver une carte pour bien visualiser ce qu’était cet immense territoire, mais, grosso modo, il allait du sud de la Loire aux Pyrénées et de l’Atlantique au Rhône, excluant le petit (en comparaison) comté de Toulouse. Bref, l’Aquitaine correspondait à presque la moitié du territoire de la Francia occidentalis. Contrairement à une idée fortement ancrée et véhiculée par de nombreuses féministes peu soucieuses de la complexité des réalités sociales passées, il était impossible de spolier Aliénor de son territoire. L’Aquitaine lui appartenait ; c’était indiscutable. En 1137, elle l’apporta en dot à son époux, Louis VII. Les deux jeunes gens n’étaient pas faits pour s’entendre : Louis avait été élevé dans le but de devenir moine, avant la mort de son frère aîné. Il était austère, froid et peu porté sur les choses de la chambre à coucher. Tout le contraire d’Aliénor ! Le couple tint tout de même quinze ans, et eut deux filles. Autour de 1150, tout implosa. Il fallait juste trouver le motif du divorce. À l’époque, l’Église avait interdit le mariage entre cousins jusqu’à la septième génération. Il suffisait d’émettre un doute sur la consanguinité des époux, et le divorce était accepté par le pape. En 1152, l’Aquitaine quitta le domaine royal et fut récupérée, toujours en dot, par Henri II Plantagenêt, futur roi d’Angleterre. Il est à noter que son mariage ne fut pas plus heureux, et qu’elle fut emprisonnée par Henri II pendant seize ans, mais, pour lui, hors de question de divorcer, l’Aquitaine était trop précieuse.

Ce fut dans ce contexte de désorganisation qu’apparut le royaume de France dans les textes. Au début du XIIIe siècle, sous Philippe II Auguste, la Francia occidentalis disparut. Le dernier vestige de l’empire de Charlemagne avait vécu. À partir de moment-là, les rois de France firent tout pour recentraliser leur royaume. Ils devinrent même conquérants en tentant leur chance au-delà de la limite impériale. Eh oui ! De nombreux territoires de la Francia media parlaient français, ou plutôt un jargon y ressemblant. Être tenté de les récupérer était une évidence stratégique. Mise à part la Wallonie, le Luxembourg et la Suisse romande, les rois récupérèrent tous les territoires francophones.

Malgré tous leurs efforts, les rois ne parvinrent jamais à centraliser le pays, même sous Louis XIV qui avait expliqué clairement sa volonté centralisatrice dans sa célèbre phrase, « L’État, c’est moi » ; c’était un vœu pieux. Les droits locaux furent supprimés au moment de la Révolution française. La centralisation définitive fut portée par la IIIe République qui, par le meilleur outil qui soit, fabriquait des français par l’école, et non des bretons, corses, flamands, etc. Sans cette puissante centralisation, la France n’existerait pas ! Elle éclaterait en plein de petits territoires. La grande question est de savoir pourquoi quelqu’un d’aussi cultivé que l’était François Mitterrand a pu décentraliser légèrement le pays. Rappelons-le ! Le brouillon du premier texte était la construction d’un vrai État décentralisé. François Mitterrand ne voulait pas de « vingt-deux présidents de la République » à la tête d’une région ! Il fit tout pour que l’on ait une décentralisation minimaliste, notamment en interdisant les collectivités territoriales de voter de nouvelles taxes ou de nouveaux impôts pour se financer. Bref, la France demeure malgré tout l’un des États les plus centralisés du monde, et c’est une bonne chose. Aucun candidat ne parle de supprimer les collectivités territoriales ; on ferait plus d’économies que de s’attaquer aux retraites et aux fonctionnaires. Ah oui ! C’est impossible ! ça supprimait des postes pour les politiciens qui font carrière. Va-t-on vers une reféodalisation de la France ? Peut-être ! Certains territoires sont semble-t-il déjà perdus si l’on croit certains discours.

Maxime Forriez.

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